OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La TVA du livre numérique froisse Bruxelles http://owni.fr/2012/10/23/la-tva-du-livre-numerique-froisse-bruxelles/ http://owni.fr/2012/10/23/la-tva-du-livre-numerique-froisse-bruxelles/#comments Tue, 23 Oct 2012 09:35:58 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=123802 Bruxelles avait notifié à la France et au Luxembourg en novembre 2011 que le rapprochement de la TVA du livre numérique à 7% sur celle du livre papier (5,5%) était contraire au droit.

Petite presse en ligne deviendra grande (ou pas)

Petite presse en ligne deviendra grande (ou pas)

Alors que démarre ce matin la 3e journée de la presse en ligne, organisée par le Spiil, Aurélie Filippetti était ...

Début juillet 2012, la Commission ouvrait une procédure pour infraction au droit communautaire. Ce dernier précisant que la TVA devait être supérieure à 15% dans tous les pays, hormis quelques exceptions dont le livre papier et les journaux papiers à 2,10%.

Quelques trublions de la presse – comme les pure players – et l’ensemble des éditeurs ont aligné la TVA du numérique sur le papier, appliquant un principe de neutralité fiscale et de neutralité technologique : le même contenu ne peut pas être taxé différemment en fonction du support.

Bruxelles aurait bien voulu que la TVA sur le livre numérique soit à 19,6% et estime que le différentiel “est un problème, mais, dans une Union de droit, on ne règle pas les problèmes en allant contre la loi.

Selon Actualitté, la France et le Luxembourg recevront, demain 24 septembre, un avis de la Commission européenne. Et auront un mois pour se mettre à la page de la TVA.


Photo par OwniPics [CC-by-nc-sa]

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Livraison de trouille chez les éditeurs numériques http://owni.fr/2012/10/15/livraison-de-trouille-chez-les-editeurs-numeriques/ http://owni.fr/2012/10/15/livraison-de-trouille-chez-les-editeurs-numeriques/#comments Mon, 15 Oct 2012 10:33:59 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=122398

Les éditeurs français commencent à s’immiscer sur le marché du livre numérique. Petit pas après petit pas, les tentatives de mises à niveaux des uns et des autres sont fortement médiatisés. Et dans la réalité ? Owni a rencontré deux de ces acteurs, vers lesquels les projecteurs se tournent. Entretiens croisés.

”Des choix stratégiques à faire”

Du côté des éditeurs, coincés entre le désir de contenter le plus de lecteurs, de rentrer dans les cases des géants du Net et de subvenir à leurs besoins, l’édition numérique reste complexe.

C’est à eux de dessiner les contours d’une stratégie qui fonctionne, maison par maison. Pour Héloïse d’Ormesson, éditrice de la maison éponyme, le choix n’est pas tant cornélien : ”La maison est une petite maison indépendante et nos choix doivent être stratégiques. Laisser les grosses structures se placer, avancer et se positionner pour voir peut être aussi une manière d’y entrer.”

Se placer ensuite sur le marché tout en suivant de près ce que font les autres en somme. Malgré tout, l’intention est là et la numérisation chez EHO est en marche. Depuis un an et demi, la fille de Jean D’Ormesson – qui publie régulièrement des titres – planche sur leur façon d’appréhender un marché fait pour les grandes maisons, tout en précisant ”qu’avoir de l’ampleur n’est pour le moment pas nécessaire.”. Avec les moyens dont il faudrait disposer pour numériser un catalogue, on comprend qu’il faille suivre ce qui se passe tout en restant à l’écart.

Pourtant, le livre numérique – qui représente entre 1 et 2% des ventes dans le chiffre d’affaires des éditeurs ne fait peur à personne. Encore moins chez EHO pour qui :

Le numérique en soi, qu’on puisse lire sur des tablettes, c’est formidable. Plus on multiplie les modes de lecture et plus il y aura de gens qui liront. C’est souhaitable et c’est une merveilleuse découverte.

Enthousiasme donc chez Héloïse d’Ormesson qui fonctionne avec quelques auteurs phares : Jean D’Ormesson, Tatiana de Rosnay, Harold Cobert, Lucia Extebarria et Isabelle Alonso pour ne citer qu’eux. Pourtant, lorsqu’on prend connaissance des ventes en numérique du dernier best-seller de Tatiana de Rosnay – paru en 2011 -, on comprend que les éditeurs s’étranglent un peu. Rose c’est 70 000 versions papier vendues. 300 en numérique”, confie l’éditrice. Frappant.

Néanmoins le marché des livres étant en régression, autant essayer de suivre le numérique dont la progression n’est pas contestée, même si elle reste timide. Avec une projection à 6 ou 7% du chiffre d’affaires pour le numérique en 2015, autant effectivement essayer de miser sur le marché potentiellement explosif. Mais les prix, la pauvreté – relative – du catalogue et les DRM ne sont pas des arguments vendeurs. Une histoire de poule et d’oeufs. Si les éditeurs enrichissent le catalogue, il pourrait y avoir plus de lecteurs séduits par l’outil. Mais les éditeurs n’ont pas toujours envie de développer un catalogue avec ce risque que leur investissement ne rencontre jamais l’amortissement.

Héloïse d’Ormesson le confesse :

Ici le prix du livre numérique ne vaut pas qu’on l’achète comparé à l’objet livre papier. Le marché commence à devenir important mais balbutie, on ne se comporte pas comme les Anglais et les Américains. La vente de livre papier en ligne est minoritaire. La maison pourrait survivre si on ne faisait pas de vente papier sur le Net.

Petit-à-petit l’oiseau fera-t-il son nid ? À en croire les chiffres aux États-Unis et les 20% de part de marché pour le livre numérique, les éditeurs auraient tout à gagner à s’y insérer tôt ou tard. Mais le prix à payer est pour le moment trop lourd pour que les tarifs des livres numériques soient inférieurs aux prix actuels :

Le coût assez haut est un investissement et un surcroît de travail pour les équipes. En un an et demi, on a numérisé 4 livres. On perd du temps pour des ventes pas extraordinaires.

Le bouquin livré à son destin

Le bouquin livré à son destin

Le marché de l'édition numérique balbutie en France mais certains semblent se placer petit à petit sur l'échiquier. ...

Comprendre qu’il faut en interne à la fois former les services, trouver des prestataires en mesure de produire un livre numérique de qualité pour un marché qui n’est à l’heure actuelle rentable pour aucun des éditeurs. Trop frileux pour le risque ou simplement attachés à un objet papier avec la peur en filigrane de le voir disparaître ?

Responsable du développement chez Albin Michel, Alexis Esménard confiait au Labo de l’édition lors de la rencontre entre éditeurs et Google Play qu’il serait toujours éditeur papier.

Mais à ceux qui expliquent que le numérique n’est autre que celui qui tue les librairies, Héloïse d’Ormesson est catégorique :

Pour l’instant, la librairie en France est en crise, mais ce n’est pas à cause du numérique. Le numérique n’a pas tué l’édition. Par exemple aux États-Unis, ça ne fait qu’accélérer la polarisation sur un certain nombre de titres. 10% de titres pour 95% de chiffre d’affaires. Ça marginalise de plus en plus la littérature de diversification. C’est la diversité de l’édition qui est en jeu.

La diminution de la diversité des titres est un phénomène exacerbé par la présence de trois acteurs majeurs dans le paysage des librairies numérique. Apple, Google et Amazon se posent en prédateurs et distribuent leurs conditions et ils sont le talon d’Achille qui enserre parfois les éditeurs dans des clauses que ces derniers prétendent ne pas pouvoir négocier.

Ce n’est pas le livre numérique qui m’inquiète mais les revendeurs tels qu’Amazon [ainsi que l'Apple Store et le dernier né Google Play, ndlr]. Le numérique va renforcer la position de Google et Amazon sur le marché français. s’inquiète Héloïse d’Ormesson.

Ce n’est donc pas qu’une histoire de taille

Avec un chiffre d’affaires supérieur et un catalogue plus grand que les éditions Héloïse d’Ormesson, Albin Michel n’est pas moins embourbé dans les mêmes problématiques. Peu importe la maison à laquelle il appartient : le travail de l’éditeur reste celui de l’accompagnement du livre de la production à la diffusion. Ce qu’Amazon, Apple et Google provoquent dans le discours des éditeurs ressemble à une peur panique de perdre le contrôle de leurs titres – à tort ou à raison.

Alexis Esménard montre le rapport de force existant entre les éditeurs, qu’ils soient grands ou pas, et les trois multinationales :

Dans le monde des revendeurs, ce sont des acteurs qui ont des moyens sans commune mesure avec ceux des éditeurs. Quand on parle de la capitalisation de Google on parle de 350 milliards. Le marché du livre tourne autour des 3-4 milliards. C’est encore plus vrai quand les éditeurs sont petits. On [Albin Michel, ndlr] est une grosse maison mais on ne fait que 180 millions d’euros de chiffre d’affaires.

De ce point de vue-là, les éditeurs sont pris dans des filets économiques qu’ils ne maîtrisent pas. Et plus l’éditeur est petit, plus sa difficulté à s’insérer dans un marché en cours de mutation est grande. Alexis Esménard précise qu’”avant, quelque soit l’éditeur, il avait la chance d’arriver à faire un succès – quelle que soit sa taille. “ La nouveauté résiderait donc dans les entrées sur le marché de l’édition numérique.

Et une fois entré sur ce marché, l’éditeur n’aurait plus le pouvoir de décider de la diffusion de ses titres :

Aujourd’hui, on a 10 000 points de vente physique – à peu près – qui ont la possibilité de vendre du Albin Michel. Si je me retrouvais demain avec seulement trois acteurs ça changerait beaucoup de choses. Demain si Apple décide de ne pas vendre un de nos titres, il disparaît d’un point de vente mais d’un point de vente à forte force de frappe. Ça me choque et me gêne réellement en tant qu’éditeur.

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Le risque de l’étau

Même si les cartes du jeu sont distribuées à priori équitablement entre les éditeurs et les distributeurs, les premiers ne sont pas de taille pour éviter la négociation de petites clauses de contrats avec les seconds. Par exemple, qu’un distributeur (Apple, Google ou Amazon, donc) propose une grosse subvention à un éditeur pour s’assurer de l’exclusivité du catalogue en échange d’avoir la liberté de fixer lui-même le prix de chaque livre. Ce qui est aujourd’hui impossible lorsque l’éditeur fait le choix de distribuer son livre sur les trois plateformes, qui sont obligées de pratiquer une vente à “prix unique“.

Et là, le distributeur ”pourrait décider de vendre les livres gratuitement ou à un euro et de subventionner l’éditeur pour l’ensemble de ses ventes.”, explique le chargé du développement numérique chez Albin Michel. Une fois le marché conquit avec ces livres bradés, le revendeur pourrait alors aussi retirer ses subventions. Et laisser les éditeurs à sec.

Et question négociations, Albin Michel (contrairement aux Éditions Héloïse d’Ormesson qui sont distribuées par Editis) étant à la fois injecté sur Apple, Amazon et Google, peut comparer la façon dont les avocats discutent et la longueur des discussions, option marchands de tapis :

Avec Apple, 2 semaines. Avec Amazon, 2 ans. Et avec Google 9 mois. Après il faut savoir que si la négociation avec Apple a été rapide c’est que dans leur business model, le livre n’a pas une grand part et c’est de vendre leur tablette qui les intéresse, en prenant une commission dessus. La finalité pour Amazon est différente : leur produit principal reste le livre, la culture. Google est un peu entre les deux et ce qui les intéresse c’est d’amener le plus de monde possible sur les moteurs de recherche, pour qu’ils vendent leur publicité.

Malgré cette peur de la mainmise des trois grandes plateformes, ça n’empêche en rien Alexis Esménard d’être “séduit” par le livre numérique et d’y voir tout un tas de possibilités. Tant en epub de littérature générale – même si le texte suffit au livre lui-même – qu’en “beaux livres”. L’une des craintes de l’éditeur, déjà formulée lors du débat au Labo de l’édition : le piratage des fichiers. Et ce, même si aucune étude sur le sujet ne démontre que le piratage sera pour le livre une conséquence désastreuse en terme de volume :

Ne pas mettre de DRM augmente le piratage. Mettre des DRM, n’est pas une bonne solution non plus mais c’est par défaut “la” solution. On peut évoluer : les titres qui peuvent devenir obsolètes avec le temps pourraient être sans DRM. Les livres scolaires par exemple. Les programmes changent donc il est pas impossible qu’on ne fasse plus de DRM sur ces livres-là. Mais nous n’avons pas encore fait cette démarche de voir titre à titre quels sont ceux qui pourraient se priver de DRM et les autres. Quant au piratage, nous avons des études sur la musique qui montrent bien l’évolution des chiffres d’affaire ! Même si la consommation est à la fois proche et différente.

Proche parce que le bien matériel laisse place dans le cas du livre à un bien immatériel, immatriculé “bien de création”. Différente parce que le temps de lecture d’un livre dépasse largement le temps d’écoute d’un album de musique dans la majorité des cas. Éloigné aussi par son public cible et l’attachement d’un lecteur à un livre. Pourtant Alexis Esménard n’en démord pas :

On donnera plus facilement un fichier numérique qu’un objet. Un fichier ça n’a pas d’âme. Un livre vous avez peur qu’on ne vous le rende pas en cas de prêt. Un CD c’est la même chose. Mais un fichier numérique ? “Tu ne me le rends jamais, j’ai ma propre copie”. Vous avez un epub, vous l’ouvrez, vous l’envoyez à un ami qui va l’ouvrir aussi, l’expérience sera la même.

Pour d’autres, la mayonnaise ne prend pas. En complément de la vision de deux éditeurs français, nous avons recueilli le point de vue de Jean-Louis Missika sur le marché de l’édition numérique en France. Le virage pris par l’édition hexagonale ne semble pas être aussi rapide que le montrent les enthousiasmes des éditeurs. Dans la pratique, pour l’adjoint au Maire de Paris chargé de l’innovation, ”les éditeurs tardent à faire de la numérisation homothétique et donc à offrir leur publication dans les deux formats papier et numérique” :

Les gens achèteront une liseuse quand le catalogue sera plus consistant et plus profond. Quand vous avez des outils de consommation culturelle qui réclament un nouveau format et qu’il faut adapter le contenu à ces formats, ça coûte de l’argent. Pour pouvoir rentabiliser cet investissement, il faut que les possesseurs de liseuses soient en nombre significatif. Il y a un moment de bascule où si vous avez 10 à 20% de gros consommateurs équipés de liseuses, les éditeurs seront obligés de faire une offre numérique.

Revoilà la poule et l’oeuf. Les consommateurs peuvent acheter plus de liseuses pour permettre aux éditeurs de rentabiliser leurs investissements ou les éditeurs peuvent étoffer leur catalogue de titres qui ne coûteraient “presque rien” pour séduire plus d’acheteurs de liseuses. Malgré tout, Jean-Louis Missika est confiant : “la cohabitation papier/numérique peut durer très longtemps, le maillon faible de ce dispositif étant les libraires.”

Le chemin est encore long mais le temps ne presse pas.


Illustration par Arnaud Kath [CC-by-nc-sa]

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Le bouquin livré à son destin http://owni.fr/2012/09/21/le-bouquin-livre-a-son-destin-edition-numerique/ http://owni.fr/2012/09/21/le-bouquin-livre-a-son-destin-edition-numerique/#comments Fri, 21 Sep 2012 16:05:43 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=120633

Homme assis sur une chaise avec un livre, (Domaine Public) George Eastman House Collection

Hier soir au Labo de l’édition à Paris se tenait une petite réunion autour de la question “Le livre numérique est-il prêt au décollage ?”. Vaste sujet alors qu’en France les éditeurs sont obligés de se placer un à un sur le plateau de jeu, histoire d’être là quand et si le marché émerge.

Pour débattre, invités autour de la table, Philippe Colombet, directeur de Google Livres en France, Alexis Esménard, directeur du développement numérique chez Albin Michel, David Meulemans, fondateur des éditions Aux Forges de Vulcain – développant un logiciel d’écriture – et enfin Jean-Louis Missika, adjoint à la Mairie de Paris, chargé de l’innovation et spécialisé dans la gestion des industries numériques.

La Justice met Apple à la page

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Un accord qui vient d'être signé aux États-Unis sur le marché du livre numérique confirme les soupçons d'entente qui ...

Tous s’accordent à le dire : le numérique ne représente presque rien à l’échelle d’une maison d’édition : 1 à 2% des ventes se font en numérique (pour 2,5 milliards de chiffre d’affaire des éditeurs selon une infographie du MoTif) et la projection en 2015 est de 6 à 7%.

Pourtant, GFK avance dans une étude que les achats de tablettes et autres outils de lecture numérique sont de plus en plus importantes avec 92 000 liseuses vendues en 2011 – 27 000 en 2010 et 1,5 millions de tablettes en 2011 – 3 millions attendues en 2012.

De différents freins subsistent toutefois : faiblesses des tablettes (”interface, autonomie, coût et enfermement dans un écosystème” citera Virginie Rouxel, modératrice du débat et déléguée générale du Labo de l’édition), multiplication des canaux de distribution du livre comme Apple, Amazon et récemment Google et son petit dernier Google Play et l’offre encore limitée malgré l’augmentation de la production homothétique (la version numérique est identique à la version papier) des éditeurs, entre autres.

On a tiré zéro leçon de l’industrie musicale

Il y a dans le lot des intervenants, un détracteur, fin analyste de la consommation des produits culturels et de leurs industries. C’est Jean-Louis Missika qui charge la barque dès le départ en assénant à l’industrie du livre qu’elle n’a pas su profiter des gamelles de la musique pour ne pas tomber dans les mêmes travers :

La musique a été le premier secteur à avoir été concerné par la révolution numérique avec la dématérialisation, Internet et les MP3. C’est le canari dans la mine de charbon. Le premier réflexe d’une industrie de contenus bien installée, très rentable, c’est la résistance au changement et la juridicisation. Ils se sont rendus compte qu’il n’est pas possible de résister à la révolution technologique qui est aussi une révolution des comportements et de la consommation des produits culturels. Hollywood a voulu faire la guerre à une génération entière de jeunes. Et la tentation de ne pas changer de modèle économique est très présente. Les majors en général sont dans une situation ambiguë par rapport à internet et la révolution numérique.

Effectivement, après avoir essuyé nombre de plâtres, l’industrie musicale aurait pu servir de guide pour les industries suivantes. Le livre en tête. Interopérabilité, piratage, DRM, monopole d’Apple, Google et/ou Amazon sont tout autant de questions déjà soulevée dans l’industrie du disque. Les éditeurs signent, au même titre que les majors de la musique, tout ce qu’il est bon de signer avec les plus gros, dans un marché dont les pions sont positionnés.

Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le livre numérique a réellement décollé il y a peu de temps et si la France est toujours en retard, elle semble de vouloir le combler et ainsi de profiter de la piste ouverte par les États-Unis. Pour le très confiant Philippe Colombet, de Google Livres France, les catalogues prennent de l’ampleur avec ”70 000 titres payants environ, PDF et ePub” et les ventes de liseuses et autres sont un excellent indicateur.

Même constat pour Jean-Louis Missika, le marché existe même s’il peine en France. Il a tout à fait sa place dans le paysage culturel :

Aux États-Unis, c’est plus rapide mais la France suit régulièrement. On avait 7 ans de retard sur la télévision. Mais la France n‘est pas un pays d’exception où le livre numérique ne se déploierait pas. Si on considère que Amazon a vendu plus d’ouvrages numériques que d’ouvrages papier aux États-Unis en 2011 et qu’Amazon a vendu plus de numérique à partir de 2012 en Grande-Bretagne, Amazon France vendra plus de numérique que de papier en 2015-2016.

Les éditeurs frileux ? Que nenni !

Hier soir, le seul représentant des “grands éditeurs”, Albin Michel, s’est défendu : la frilosité est imaginaire et ”les choses bien plus complexes que ça”. Surtout si sont intégrées les craintes pour les autres secteurs de la chaine du livre comme ” les imprimeurs et les libraires”. Il précise : “moins pour les éditeurs dont le rôle reste le même et n’est pas attaché à un support.”

Alexis Esménard, directeur du développement numérique chez Albin Michel, estime que le domaine de l’édition est en grande difficulté et que les éditeurs ne bénéficient pas d’une bonne image :

Albin Michel donne plus d’argent à tous ses auteurs en général qu’il n’en gagne. L’édition aujourd’hui est en difficulté. Cette année dans une de nos filiales, il y a 3 éditeurs qui ont déposé le bilan. [...] Le marché des livres baisse d’une manière générale.

Le marché des livres est en baisse, mais pas nécessairement à cause du livre numérique, argument souvent avancé par les défenseurs du papier. Si le livre numérique est si cher c’est qu’éditer un ouvrage “nécessite des développement importants.” :

On fait des livres alors qu’on a pas de rentabilité là-dessus. Le livre numérique n’est pas suffisant pour rentabiliser la publication d’un ouvrage, malgré l’existence du marché. Tous les frais ne peuvent pas être amortis sur l’édition numérique. Ça coûte plus cher de faire un livre numérique qu’un livre papier.

Même si, le reconnait le chargé de développement numérique “partir aujourd’hui d’une composition faite en papier pour la rendre en numérique ne coûte pas une fortune énorme. Pour lui comme pour les autres. Transposer un livre en noir et blanc qui soit sûr d’être vendu ? Oui, “les blockbusters, les best seller comme Marc Levy, Mary Higgings Clark ne sont pas ceux qui coûtent le plus cher en numérique a ajouté Alexis Esménard.

En somme, il serait tout à fait envisageable de rentabiliser un Marc Lévy en livre numérique. Comme certains petits éditeurs le font déjà en livre papier, en ayant un auteur phare permettant de diffuser et accompagner les plus petits auteurs. L’exemple choisi pour l’occasion pour le directeur du développement numérique d’Albin Michel peut à première vue faire peur, économiquement. En un simple petit calcul mathématique, Alexis Esménard est catégorique :

Nous allons passer toute une collection – Géronimo Stilton – de 60 titres au format Kindle. Ça va nous coûter à peu près 25 000 euros. Les ventes chez Apple c’est 400 exemplaires. 25 000 euros divisés par 400, chacun vendu 5 euros, combien faut-il que j’en vende pour le rentabiliser ?

Le point DRM comme on aurait un point Godwin

Dans toute conversation sur le numérique et la vente de biens immatériels, il existe le point DRM. Immanquablement arrive la question de la protection et du piratage, ici des livres numériques. Sporadique ou d’une masse considérable, le piratage reste la grande crainte des éditeurs.

Chez Albin Michel – seul représentant d’une “grosse” maison – on a pas de problème avec les DRM. En revanche ”le problème impliqué par les DRM [me] pose un problème mais je ne conçois pas un livre sans DRM”, explique Alexis Esménard, qui précise ne pas être “pro-DRM”.

Vend fichier MP3 très peu servi

Vend fichier MP3 très peu servi

ReDiGi, site spécialisé dans la vente de fichiers MP3 d'occasion (si si), sera fixé sur son sort dans quelques semaines. ...

Le piratage social, qui a “mis à sec” l’industrie de la musique, serait donc un des grands risques du livre numérique. Et la revente de livres d’occasion comme le fait Redigi avec la musique achetée sur les plates-formes légales ? Philippe Colombet de Google affirme que “c’est pour l’usage personnel. L’ouvrage est acquis définitivement. La seule chose, c’est que vous pouvez le transmettre mais ne pas le revendre.”

Le droit à l’écoute vendu par les majors via Apple par exemple se transpose en un droit à la lecture sur les mêmes plates-formes. L’industrie du disque ? On prend les mêmes et on recommence. Et le sujet du piratage est sensible, aussi parce que l’industrie musicale a essuyé les plâtres.

Jean-Louis Missika reste confiant et estime que ”le problème est moins grave que celui de la musique” même si ”des situations de pénurie et la complexité de la consommation légale encouragent le piratage.”

A l’instar de l’industrie du disque, les majors du livre sont prises dans les filets des trois plus grands disquaires et libraires mondiaux que sont Google, Amazon et Apple. Alors que n’a pas été vraiment abordée la question des libraires physiques, Jean-Louis Missika dessine les traits d’un schéma – déséquilibré – d’acteurs :

Les acteurs du coté d’Internet ont une présence mondiale. Donc très forte. Du côté des producteurs de contenus, ce sont des acteurs nationaux, donc une présence très faible. La négociation est déséquilibrée. Pour qu’elle le soit moins, il faut une intervention du régulateur. Sauf que c’est difficile à construire. Pour le livre numérique, il y a une bataille de géants sur les système d’exploitation et il y en a un qui finira par gagner. Google est convaincu qu’il a la bonne stratégie pour Android, Apple a la même depuis le début. Amazon part d’une activité de vente et remonte la chaîne de valeur et est plutôt sur un modèle à la Apple qu’à la Google. Les stratégies sont très typées et il y en a nécessairement certains qui se trompent et d’autres qui ont raison. On aura les résultats de la compétition dans quelques années.

Quelques années, voire moins.


Homme assis sur une chaise avec un livre, (Domaine Public) George Eastman House Collection via The Commons sur Flickr

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Au front de la révolution du droit d’auteur ! http://owni.fr/2012/08/02/au-front-de-la-revolution-du-droit-dauteur/ http://owni.fr/2012/08/02/au-front-de-la-revolution-du-droit-dauteur/#comments Thu, 02 Aug 2012 09:56:04 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=117410

Le rejet d’ACTA par le Parlement européen, tout comme la mise en échec en début d’année de la loi SOPA aux États-Unis, obtenus grâce à une mobilisation citoyenne sans précédent, constituent à l’évidence deux grandes victoires. Mais leur portée reste limitée, car il s’agissait essentiellement de batailles défensives, menées par les défenseurs des libertés numériques et de la culture libre pour barrer la route à des projets liberticides.

Néanmoins, ces succès créent une opportunité politique pour passer de la défensive à l’offensive, en proposant une refonte globale du système du droit d’auteur et du financement de la création.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dans cette perspective, la Quadrature du Net vient de publier un document de première importance, préparé par Philippe Aigrain et intitulé “Éléments pour la réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles liées“. Il est disponible ici sur le site de la Quadrature, sur le blog de Philippe Aigrain et vous pouvez le télécharger en version pdf également.

Articulé en 14 points représentés sur le schéma ci-dessous, ce texte couvre de nombreuses problématiques liées à la question de la création dans l’environnement numérique, aussi bien dans sa dimension juridique qu’économique et technique.

Légalisation du partage non-marchand entre individus

La clé de voûte de ce projet consiste à légaliser le partage non-marchand entre individus d’œuvres protégées, considéré comme une pratique légitime et utile pour la vie culturelle et la création. La légalisation du partage s’opère par le biais d’une extension de la théorie de l’épuisement des droits, qui nous permettait déjà d’échanger ou de donner des supports d’œuvres protégées dans l’environnement matériel (livres, CD, DVD, etc) :

L’approche alternative consiste à partir des activités qui justifiaient l’épuisement des droits pour les œuvres sur support (prêter, donner, échanger, faire circuler, en bref partager) et de se demander quelle place leur donner dans l’espace numérique. Nous devons alors reconnaître le nouveau potentiel offert par le numérique pour ces activités, et le fait que ce potentiel dépend entièrement de la possession d’une copie et de la capacité à la multiplier par la mise à disposition ou la transmission.

L’épuisement des droits va ainsi être défini de façon à la fois plus ouverte et plus restrictive que pour les œuvres sur support. Plus ouverte parce qu’il inclut le droit de reproduction, plus restrictive parce qu’on peut le restreindre aux activités non marchandes des individus sans porter atteinte à ses bénéfices culturels.

Ce versant juridique de la légalisation du partage s’accompagne d’un versant économique, dans la mesure où cette extension de l’épuisement du droit d’auteur va de pair avec la création de nouveaux droits sociaux à la rémunération pour ceux qui contribuent à la création.

Contribution créatrice

Cet aspect des propositions de Phillipe Aigrain est particulièrement intéressant et il recoupe les modèles que l’auteur avait déjà exposé dans son ouvrage Sharing : Culture and The Economy in The Internet Age. En lieu et place de la licence globale, modèle alternatif de financement décrié à la fois par les représentants des industries culturelles et ceux de la Culture libre, le document propose plusieurs pistes de financement, dont la principale consiste en la mise en place d’une contribution créative, constituée par un prélèvement forfaitaire par foyer connecté à Internet.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

D’autres mécanismes économiques sont envisagés comme le financement participatif en amont de la création (crowdfunding) ou encore le revenu minimum d’existence inconditionnel. Par ailleurs, des propositions complémentaires visent à réformer en profondeur la gestion collective, les financements publics culturels et la fiscalité du numérique.

Dépassant les aspects économiques, le document se penche également sur les conditions de possibilités techniques garantissant que les échanges puissent s’exercer librement dans un tel système, sans que des acteurs manœuvrent pour acquérir une position dominante par d’autres biais. La légalisation du partage se limite strictement aux échanges non marchands entre individus pour éviter le retour de monstruosités centralisant les fichiers et l’attention comme MegaUpload. Le document se prononce logiquement en faveur de la défense du principe de neutralité du Net, mais aussi pour l’interopérabilité et l’ouverture des appareils type smartphones ou tablettes, ainsi que pour la mise en place d’une taxation de la publicité en ligne qui évitera que des acteurs comme Google ou Facebook ne puissent dévoyer les mécanismes de l’économie de l’attention à leur profit.

La neutralité du Net en une image

Mais le document ne s’arrête pas là et il balaye tout un ensemble de problématiques qui me paraissent particulièrement importantes et qui ont beaucoup retenu mon attention sur S.I.Lex depuis des années. J’ai déjà écrit à plusieurs reprises (ici ou ) pour démontrer qu’il existe un lien direct entre la légalisation du partage non marchand et la défense des usages collectifs, ainsi qu’avec la place des institutions culturelles comme les bibliothèques dans l’accès à la culture et à la connaissance. J’ai aussi alerté à de nombreuses reprises sur le fait que le maintien de la guerre au partage, telle qu’elle se manifeste en France par exemple à travers le mécanisme de la riposte graduée instauré par la loi Hadopi, faisait peser sur les lieux d’accès publics à Internet de graves menaces (ici ou ).

Usages collectifs

Si le cœur du modèle de Philippe Aigrain porte sur les échanges entre individus, il est tout à fait sensible à l’importance des usages collectifs auxquels plusieurs points sont consacrés dans le document. On retrouve par exemple un point complet sur la nécessité de consacrer les pratiques éducatives et de recherche comme un véritable droit, par le biais d’une exception sans compensation.

Philippe Aigrain envisage également un rôle central dévolu aux bibliothèques en matière de diffusion des œuvres orphelines. Il prononce des critiques radicales à l’encontre des récentes lois sur le prix unique du livre numérique et sur la numérisation des livres indisponibles du XXe siècle auxquelles les bibliothécaires français se sont opposés. Il propose également de doter le domaine public d’un statut positif afin de le protéger contre les atteintes à son intégrité, ainsi que de renforcer la dynamique de mise en partage des œuvres par le biais des licences libres.

Par ailleurs, Silvère Mercier et moi-même avons eu le grand honneur d’être invités à contribuer à ce document pour la partie intitulée “Liberté des usages collectifs non marchands” que je recopie ci-dessous :

A côté des usages non marchands entre individus, il existe des usages collectifs non marchands, qui jouent un rôle essentiel pour l’accès à la connaissance et pour la vie culturelle, notamment dans le cadre de l’activité d’établissements comme les bibliothèques, les musées ou les archives. Ces usages recouvrent la représentation gratuite d’œuvres protégées dans des lieux accessibles au public ; l’usage d’œuvres protégées en ligne par des personnes morales sans but lucratif ; la fourniture de moyens de reproduction à des usagers par des institutions hors cadre commercial ; et l’accès à des ressources numérisées détenues par les bibliothèques et archives.

A l’heure actuelle, ces usages collectifs s’exercent dans des cadres juridiques contraints, hétérogènes et inadaptés aux pratiques. Le préjugé selon lequel, dans l’environnement numérique, les usages collectifs nuiraient aux ventes aux particuliers ouvre un risque non négligeable que les titulaires de droits utilisent leurs prérogatives pour priver les bibliothèques de la possibilité de fournir des contenus numériques à leurs usagers. Dans un contexte où les échanges non marchands entre individus seraient légalisés, il serait pourtant paradoxal que les usages collectifs ne soient pas garantis et étendus.

A cette fin, les mesures suivantes doivent être mises en place :

  • Représentation sans finalité commerciale d’œuvres protégées dans des lieux accessibles au public : création d’une exception sans compensation, en transformant l’exception de représentation gratuite dans le cercle familial en une exception de représentation en public, hors-cadre commercial.
  • Usages en ligne non marchands d’œuvres protégées : les personnes morales agissant sans but lucratif doivent pouvoir bénéficier des mêmes possibilités que celles consacrées au profit des individus dans le cadre des échanges non marchands.
  • Fourniture de moyens de reproduction, y compris numériques, par des établissements accessibles au public à leurs usagers : ces usages doivent être assimilés à des copies privées, y compris en cas de transmission des reproductions à distance.

Enfin se pose la question importante du rôle des bibliothèques dans la mise à disposition (hors prêt de dispositifs de lecture) de versions numériques des œuvres sous droits et non-orphelines. Tout un éventail de solutions est envisageable depuis la situation où les bibliothèques deviendraient la source d’une copie de référence numérique de ces œuvres accessible à tous jusqu’à une exception pour leur communication donnant lieu à compensation.

Nouvelles taxes

À tous les bibliothécaires engagés et plus largement à tous les professionnels du secteur de l’information-documentation qui se sentent concernés par ces questions, je voudrais dire qu’il est temps à présent de régénérer les principes de notre action pour embrasser une vision plus large que celle qui a prévalu jusqu’à présent, notamment dans le cadre de l’action de l’IABD.

Il n’est plus possible aujourd’hui de soutenir que les bibliothèques ne sont pas concernées par la question de la légalisation du partage non marchand. Il n’est pas possible non plus de continuer à se battre sur des sujets périphériques, comme les exceptions au droit d’auteur, sans s’associer à une refonte en profondeur du système de la propriété intellectuelle. Ces tactiques se cantonnent à l’écume des choses et elles manquent l’essentiel. Elles ont hélas conduit à des défaites tragiques, comme ce fut le cas avec la loi sur la numérisation des livres indisponibles. Il n’est plus question d’obtenir simplement un rééquilibrage du droit d’auteur dans l’environnement numérique, mais bien de le refonder à partir d’autres principes !

Les propositions qui figurent dans ce document doivent être défendues et portées au plus haut niveau lors de la consultation à venir sur l’acte II de l’exception culturelle, qui sera conduite dans le cadre de la mission Lescure. Les lobbies des industries culturelles sont déjà lourdement intervenus en amont afin que les questions essentielles ne soient pas posées lors de cette consultation. Les choses semblent courues d’avance et j’ai  déjà eu l’occasion de dénoncer le fait que l’on cherchera certainement à nous faire avaler la mise en place de véritables gabelles numériques. On voudra instaurer de nouvelles taxes sans consécration de droits au profit des usagers et sans même remettre en cause de la logique répressive qui est au cœur de la loi Hadopi !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tous ceux qui s’intéressent aux libertés numériques et à l’avenir de la création sur Internet devraient s’emparer de ces propositions et les porter à l’attention des pouvoirs publics. Et il me semble que les auteurs et les créateurs devraient être les premiers à le faire.

Ils sont en effet de plus en plus nombreux à prendre conscience que le droit d’auteur a dérivé vers un système de rentes au profit d’intermédiaires qui ne sont plus à même de leur garantir les moyens de créer, ni même de vivre dignement. Les propositions de Philippe Aigrain sont essentiellement tournées vers les auteurs.  Le point n°7 porte par exemple sur la refonte des contrats d’édition, afin que les éditeurs ne soient plus en mesure de s’accaparer les droits numériques à leur profit, sans reverser une rémunération décente aux auteurs.

Une économie du partage

Plus largement, la contribution créative constitue une des seules pistes réalistes pour dégager les sommes suffisantes à la rémunération des créateurs, en sortant de la spirale infernale de la guerre au partage les dressant contre leur public. Elle vise à créer une véritable économie du partage, dont les créateurs seraient de nouveau les premiers bénéficiaires. Par ailleurs, l’une des vertus fortes de ce modèle, c’est d’envisager de rémunérer non seulement les auteurs professionnels, mais aussi la multitude des créateurs amateurs qui contribuent aujourd’hui sur Internet de manière déterminante à la vie de la culture et des idées.

La parole pour finir à Philippe Aigrain :

Le numérique porte la promesse de capacités culturelles accrues pour chacun, d’une nouvelle ère où les activités créatives et expressives sont au cœur même de nos sociétés. Dans un contexte souvent hostile, cette promesse montre chaque jour qu’elle est solide. Dans de nombreux domaines, la culture numérique est le laboratoire vivant de la création. Elle donne lieu à de nouveaux processus sociaux et permet le partage de ses produits. De nouvelles synergies se développent entre d’une part, les activités et la socialité numérique et, d’autre part les créations physiques et interactions sociales hors numérique. L’objectif d’une réforme raisonnable du droit d’auteur / copyright et des politiques culturelles ou des médias est de créer un meilleur environnement pour la réalisation de cette promesse. Comme toujours, il y a deux volets : arrêter de nuire au développement de la culture numérique et, si possible, la servir utilement.

En ce qui me concerne, j’ai trouvé dans ce programme une cause porteuse de sens que je veux servir et qui vaut la peine que l’on se batte pour elle de toutes ses forces! Je le ferai en tant que citoyen, en tant que juriste, en tant qu’auteur numérique, mais aussi et surtout comme le bibliothécaire que je suis, attaché viscéralement à la diffusion du savoir et à la défense des biens communs !

Billet initialement publié sur le blog de Calimaq :: S.I.Lex :: sous le titre “Réforme du droit d’auteur et financement de la création : il est temps de passer à l’offensive !”

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La part d’ombre de Google Livres http://owni.fr/2012/06/13/la-part-dombre-de-google-livres/ http://owni.fr/2012/06/13/la-part-dombre-de-google-livres/#comments Wed, 13 Jun 2012 11:46:56 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=113175

Paix des braves pour Les Echoshache de guerre enterrée pour La Tribune ;  calumet de la paix partagé pour le Nouvel Observateur : la presse est unanime pour célébrer l’accord-cadre rendu public lundi entre Google, le Syndicat national de l’édition (SNE) et la Société des gens de lettres (SGDL), sur la numérisation des livres indisponibles sous droits.

Il est vrai que l’évènement est d’importance, puisque cet arrangement met fin à plus de sept années de conflits entre le moteur de recherche et le monde de l’édition française, à propos du programme de numérisation Google Books, qui avait entendu renverser de fond en comble les règles du droit d’auteur pour progresser plus vite.

Pourtant derrière cette belle unanimité, de multiples signes, émanant notamment d’auteurs français méfiants ou remontés contre les instances prétendant les représenter, attestent qu’il reste comme “un caillou dans la chaussure“, pour reprendre les paroles de l’écrivain Nicolas Ancion…

Il faut d’abord mettre en lumière le côté clair de cet accord, pour mieux cerner ensuite son côté obscur, notamment en ce qui concerne ses liens avec la loi sur l’exploitation numérique des livres indisponibles du 20ème siècle, adoptée par le Parlement français en mars dernier.

Procès fleuve

L’essentiel du contentieux portait sur le recours par Google à l’opt-out – l’option de retrait – un procédé par lequel il demandait aux titulaires de droits de se manifester explicitement pour demander à sortir de son programme, ce qui lui permettait d’avancer dans la numérisation des ouvrages sans s’embarrasser a priori de la question chronophage de la gestion des droits.

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Mais cette méthode a été condamnée par la justice française en décembre 2009, au terme d’un procès retentissant faisant suite à une plainte de l’éditeur La Martinière, soutenu par le SNE et la SGDL, qui a rappelé que l’opt-in – l’option d’adhésion – était seule compatible avec les règles du droit d’auteur français qui exigent que les titulaires de droits donnent un consentement explicite et préalable à l’utilisation de leurs œuvres.

L’impasse atteinte par Google en France a également trouvé écho aux États-Unis, où un autre procès fleuve l’oppose depuis plus longtemps encore aux auteurs et éditeurs américains. Saisi pendant plusieurs années d’une proposition de règlement entre les parties, qui aurait entériné le procédé de l’opt-out, le tribunal de New York en charge de l’affaire a lui aussi fini par estimer début 2011 que seule une solution à base d’opt-in pouvait être envisagée. Si un accord paraissait pouvoir être trouvé sur ce fondement avec les éditeurs américains, ce n’est visiblement pas le cas avec les auteurs réunis au sein de l’Author’s Guild, avec qui Google a repris une guerre de procédure acharnée. Et alors qu’on avait pu penser un moment que l’Author’s Guild allait être déboutée, le tribunal a fini à la fin du mois dernier par conforter sa position, ce qui place à présent Google dans une posture délicate aux Etats-Unis.

Cette situation d’échec dans le volet américain de l’affaire Google Livres contraste avec l’entente qui s’est installée peu à peu en France entre Google et les éditeurs, suite à sa condamnation en justice. Dès novembre 2010, Hachette Livres avait décidé de passer un protocole d’accord avec Google pour la numérisation de 50 000 oeuvres épuisées, sur la base de listes d’ouvrages établis par l’éditeur, ce qui consacrait un retour à l’opt-in. Il avait été suivi de manière emblématique par les éditions La Martinière, qui concluaient en août 2011 un accord paraissant suivre des principes similaires. Gallimard, Flammarion et Albin Michel annonçaient de leur côté en septembre 2011 un abandon des poursuites et l’ouverture de négociations.

L’accord-cadre conclu lundi s’inscrit donc dans une certaine logique et un mouvement graduel d’apaisement. Il consacre sans doute le basculement du groupe Editis, dont la position au sujet de Google Livres restait à ce jour incertaine, ainsi que l’abandon des poursuites par la SGDL, côté auteurs.

Réciprocité

Un internet raisonné où chaque partie se comprend” : les propos d’Antoine Gallimard lors de la conférence de presse mettent en avant l’esprit de réciprocité consacré par cet accord.

L’idée de base pour les éditeurs acceptant d’entrer dans l’accord consistera à travailler avec Google pour dresser une liste de titres figurant dans l’immense base de 20 millions d’ouvrages numérisés de Google, de vérifier qu’il en possède bien les droits et que les livres ne sont plus disponibles à la vente, que ce soit en papier ou en numérique.

L’éditeur aura alors la faculté de décider s’il souhaite que Google commercialise ses ouvrages via son propre dispositif de vente (Google Play), la “majorité des revenus”étant reversés à l’éditeur, d’après Philippe Colombet de Google France. Cet élément est décisif, car on imagine que c’est précisément ce taux de retour sur le produit des ventes de Google qui a satisfait les éditeurs français. Dans la première version du règlement américain, 63% des sommes étaient reversées aux titulaires de droits via le Book Right Registry. Ce règlement prévoyait également qu’au cas où les droits d’exploitation n’étaient pas retournés intégralement aux auteurs, le partage de ces revenus devait se faire à 65% pour l’auteur et à 35% pour l’éditeur. Gardez bien cela en tête, car il est fort probable que l’arithmétique soit beaucoup moins favorable aux auteurs avec l’accord-cadre français. Pour l’instant, il n’est cependant pas possible de connaître dans le détail le contenu de cet accord-cadre, qui ne sera transmis qu’aux éditeurs membres du SNE (et pas aux auteurs ? Tiens donc ? ;-).

En complément de ce partage des revenus, le SNE et la SGDL reçoivent eux aussi des sommes qui serviront pour les éditeurs à financer l’opération “Les petits champions de la lecture” et pour les auteurs à améliorer la base de données de la SGDL. Notons que le montant de ces sommes reste confidentiel côté français, alors qu’il était clairement annoncé en ce qui concerne le Règlement américain (125 millions de dollars). Autre pays, autres moeurs !

Mais l’argent n’est quand même pas tout et en matière de livre numérique, le nerf de la guerre, c’est d’abord la possession des fichiers. Or ici, les éditeurs obtiennent de pouvoir récupérer les fichiers numérisés par Google, assortis du droit d’en faire une exploitation commerciale, selon “plusieurs modalités proposées par Google” d’après le compte-rendu   de la conférence de presse dressé par Nicolas Gary d’Actualitté. Cette expression un brin sibylline renvoie visiblement à des possibilités de distribution, par les propres moyens de l’éditeur ou via des plateformes commerciales, étant entendu que, comme cela avait déjà plus ou moins filtré à propos des accords Hachette et Lamartinière, des exclusivités ont été consenties par les éditeurs français afin que les fichiers ne soient pas distribués par les concurrents les plus menaçants pour Google : Apple et Amazon. A ce sujet, il est sans doute assez cocasse de relever que les questions d’atteinte à la libre concurrence ont joué un rôle essentiel dans le rejet du règlement aux Etats-Unis et que l’Autorité de la Concurrence en France s’est déjà émue de l’évolution de Google vers une position dominante en matière dans le domaine du livre numérique.  Les éditeurs pourront par ailleurs également exploiter les fichiers sous forme d’impression à la demande.

Mis à part ces réserves sur lesquelles je reviendrai plus loin, on peut donc considérer l’accord-cadre français comme un échange de bons procédés, relativement équilibrés même s’il parait globalement très favorable aux éditeurs français. Google de son côté pourra à présent se targuer de l’exemple français pour essayer de trouver un terrain d’entente aux Etats-Unis ou dans d’autres pays dans le monde.

Pur hasard

Pourtant la part d’ombre de l’arrangement n’a pas manqué d’apparaître dès la conférence de presse de lundi, notamment lorsque Antoine Gallimard a dû répondre à propos des rapports entre ce dispositif et la récente loi sur la numérisation des livres indisponibles du 20ème siècle. Pour le président du SNE, “la présentation de cet accord-cadre n’est que pur hasard avec le calendrier de la loi sur la numérisation des oeuvres indisponibles du XXe siècle”.

Mais les similitudes sont tout de même troublantes et le pur hasard a visiblement bien fait les choses. Car la loi sur l’exploitation numérique des livres indisponibles du 20ème siècle porte exactement sur le même objet que l’accord-cadre conclu avec Google, à savoir le corpus massif des oeuvres qui ne sont plus disponibles à la vente sous forme papier ou numérique, mais qui restent protégées par des droits. Or ce qui frappe immédiatement, c’est la différence de fonctionnement au niveau juridique des deux dispositifs envisagés.

En effet, alors que les éditeurs et les auteurs se sont visiblement battus avec opiniâtreté pour faire triompher l’opt-in dans l’accord-cadre, ils ont accepté avec la loi sur les livres indisponibles que soit introduit dans le Code de propriété intellectuelle français un opt-out !  J’ai déjà eu l’occasion de dire que cette loi était plus que critiquable dans la mesure où elle  portait très fortement atteinte aux principes du droit d’auteur français et que loin de constituer une alternative à Google Livres, elle ne faisait qu’en singer (maladroitement) les modalités.

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Or la loi française, dans l’exposé même de ses motifs, explique qu’il n’était en quelque sorte pas possible de faire autrement que de passer par un opt-out pour introduire un système de gestion collective viable pour les oeuvres orphelines. L’accord-cadre intervenu lundi prouve que c’est absolument faux et que de l’aveu même des éditeurs du SNE et des auteurs de la SGDL, qui ont pourtant fait un lobbying d’enfer pour pousser cette loi, une autre approche était tout à fait possible, plus respectueuse des droits de tous - à commencer par ceux des auteurs –  !

Il est donc évident maintenant que cette loi a introduit dans le Code des adultérations majeures au droit d’auteur quasiment pour rien et pour bien mesurer la gravité de la chose, il faut relire ce qu’en dit par exemple le juriste spécialisé en propriété intellectuelle Franck Macrez dans le premier commentaire du texte paru au Dalloz :

En définitive, et à s’en tenir à la cohérence de la loi nouvelle avec les principes traditionnels du droit d’auteur, le bilan de ce texte voté en urgence est désastreux [...] Les auteurs se voient, par la force de la loi, obligés de partager les fruits de l’exploitation de leur création avec un exploitant dont la titularité des droits d’exploitation numérique est fortement sujette à caution. L’obligation d’exploitation permanente et suivie, qui participe de l’essence même de l’archétype des contrats d’exploitation du droit d’auteur, est anémiée. La présomption de titularité des droits d’exploitation sur l’œuvre au profit de son propriétaire naturel est réduite à néant. Que reste-t-il du droit d’auteur ?

Tactique

Quelle cohérence y a-t-il de la part des éditeurs du SNE et des auteurs de la SGDL a avoir tant poussé pour faire advenir cette loi, alors qu’un accord-cadre avec Google était en préparation ?

On peut penser que la première – et sans doute principale – raison était avant tout d’ordre tactique. Il est beaucoup plus simple de négocier avec un acteur redoutable comme Google si on peut assurer ses arrières en lui faisant remarquer qu’en cas d’échec des pourparlers, on pourra se tourner vers un dispositif national, financé à grands renforts d’argent de l’Emprunt national pour numériser et exploiter les ouvrages indisponibles, sans avoir besoin des services du moteur de recherche.

Mais une fois ce bénéfice tactique empoché, il y a de fortes raisons de penser que les éditeurs préféreront l’accord-cadre au dispositif mis en place par la loi française. Tout d’abord, l’accord-cadre a le mérite de rester secret, ce qui est toujours bien pratique, alors que la loi française, malgré beaucoup d’obscurités lors de son adoption, est lisible par tout un chacun. Comme le fait remarquer malicieusement @BlankTextfield sur Twitter, Google et le SNE pourraient commencer leur opération des “Petits champions de la lecture”… en permettant à tout le monde de lire cet accord ! Chiche ? Sachant que le Règlement Google Books avait lui aussi la vertu d’être complètement public…

L’autre avantage réside sans doute paradoxalement dans les fameuses “exclusivités” que comporte l’accord-cadre, qui empêchent des acteurs comme Apple et surtout Amazon d’exploiter les fichiers. Il faut sans doute moins y voir une condition imposée par Google qu’une entente passée entre tous les acteurs. Car il ne doit pas tant déplaire aux éditeurs français qu’Amazon par exemple soit ainsi mis sur la touche ; Mister Kindle et ses prix cassés étant considérés comme l’antéchrist numérique par beaucoup… En comparaison, il faut reconnaître que le dispositif de la loi sur les indisponibles est plus ouvert, puisque la société de gestion collective qui récupèrera la gestion des droits grâce à l’opt-out est tenue d’accorder des licences d’exploitation commerciales sur une base non-exclusive.

Notons enfin que contrairement à ce qu’a indiqué Antoine Gallimard lors de la conférence de presse, il y a fort peu de chances que la loi sur les indisponibles et l’accord-cadre s’avèrent “complémentaires”, et ce, pour une raison très simple. Si les ouvrages figurent sur des listes permettant à Google de les exploiter commercialement et si les éditeurs récupèrent les fichiers avec la possibilité de les exploiter, par définition, ces livres ne sont PLUS indisponibles. Ils ne peuvent donc plus être inscrits sur la base de données gérée par la BnF, qui constitue la première étape du processus d’opt-out.

Si les éditeurs principaux du SNE font le choix de signer l’accord-cadre avec Google, la loi française sur les indisponibles sera mécaniquement vidée de sa substance et il n’en restera en définitive que les vilaines scories juridiques qu’elle a introduit dans le Code…

Allez comprendre ! Mais vous allez voir qu’il y a d’autres éléments fort éclairants…

Serf

Le grand mérite de cette loi sur les indisponibles est peut-être d’avoir amené un grand nombre d’auteurs à se mobiliser, en marge de la SGDL, pour la défense de leurs droits dans l’environnement numérique.

Des livres libérés de licence

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Les licences libres ont permis l'émergence de succès dans les domaines de la musique et de la photographie. En revanche, la ...

Réunis sous la bannière du collectif “Le droit du serf“, ils ont fait valoir, notamment lors de discussions avec le Ministère de la Culture, que les oeuvres indisponibles doivent être assimilées à des oeuvres épuisées, ce qui dans l’esprit du droit d’auteur français, signifie que les droits devraient entièrement leur revenir. Un éditeur qui laisse un ouvrage s’épuiser manque vis-à-vis de l’auteur à une obligation essentielle du contrat d’édition. Dès lors que l’éditeur reconnaît, comme c’est le cas dans l’accord-cadre avec Google, que les oeuvres sont bien “indisponibles”, il n’est pas normal qu’il puisse continuer à revendiquer des droits numériques et une prétention à toucher une rémunération.

Cette rémunération de l’auteur a toutes chances d’ailleurs d’être réduite à la portion congrue. Souvenez-vous que dans le Règlement américain, il était prévu que 63% des revenus dégagés par Google iraient aux titulaires de droits, avec une répartition de 65% à l’auteur et de 35% à l’éditeur. Dans le dispositif de la loi sur les indisponibles, les sommes doivent être partagées à 50/50 entre l’éditeur et l’auteur (ce qui est déjà plus défavorable…). Avec l’accord-cadre, ce sera dans la plupart des cas sans doute bien pire encore. En effet, pour pouvoir être en mesure d’exploiter les livres sous forme numérique, les éditeurs font signer aux auteurs des avenants concernant les droits numériques. On sait par exemple que c’est ce qu’a dû faire Hachette [PDF] suite à la passation de l’accord en 2010 avec Google. Or il est notoire que les éditeurs dans ce cas font signer des avenants numériques qui maintiennent le taux de rémunération prévu pour le papier (entre 8 et 12% en moyenne). Et beaucoup d’auteurs hélas ont sans doute déjà accepté de tels avenants… ce qui signifie qu’à tout prendre l’accord-cadre avec Google est beaucoup plus rémunérateur pour les éditeurs que la loi sur les indisponibles. C’est plus clair comme ça ?

Soulignons enfin un point essentiel : il y a tout lieu de penser que l’opt-in imposé à Google s’applique en définitive beaucoup mieux pour les éditeurs que pour les auteurs. En effet, comme le fait très justement remarquer dans une tribune caustique l’auteur de SF et pilier du collectif “le droit du serf”, Yal Ayerdhal, la sortie du dispositif de l’accord-cadre va sans doute nécessiter pour les auteurs une action positive en direction de leur éditeur, et le site Actualitté pointe également ce problème :

“[...] que peut faire un auteur pour empêcher que son oeuvre soit numérisée en amont, et non plus en aval, avec cette simple possibilité de faire retirer le livre de la liste ? ” La démarche est complexe, voire laborieuse, et le président du SNE de nous répondre : « Mais en tout cas, il a le droit de la faire retirer. Son droit de retrait est inaliénable. » Le droit, certes, mais rien à faire en amont de la numérisation…

On est donc bien toujours dans l’opt-out… mais pour l’auteur seulement ! Ceci étant dit, ce travers majeur existait aussi dans la loi sur les oeuvres indisponibles, qui offre à l’éditeur des moyens beaucoup plus aisés de se retirer du dispositif que pour l’auteur

Quelle filière industrielle pour la numérisation du patrimoine ?

Quelle filière industrielle pour la numérisation du patrimoine ?

Quelle voie intermédiaire prendre, entre une logique libérable de la privatisation basée sur la publicité et visant ...

Au final, on peut comprendre que certains auteurs se posent des questions à propos du rôle de la SGDL dans cet arrangement, alors que des points de désaccords importants existaient entre le SNE et cette organisation à propos de la question de l’évolution des contrats d’édition numériqueL’organisation répond à ces critiques en mettant en avant le fait que l’accord qu’elle a signé avec Google est indépendant de celui conclu par le SNE.

Admettons… mais comment expliquer alors qu’en 2010, la SGDL ait si vivement réagi à l’annonce du partenariat conclu entre Google en Hachette, en appelant ses membres à la plus grande vigilance ? En dehors du chèque versé par Google, quelles garanties a-t-elle bien pu obtenir qui aient à présent calmé ses frayeurs, alors que les modalités de fonctionnement de l’accord-cadre de lundi semblent identiques à celles de l’accord Hachette ?

D’autres acteurs de la “chaîne du livre” peuvent sans doute nourrir quelques inquiétudes. Il n’est plus question des libraires par exemple, alors qu’en 2011, La Martinière les mettait encore en avant (mais 2011, c’était déjà il y a si longtemps…). Quant aux bibliothèques, elles sont littéralement rayées de la carte par cet accord, alors qu’elles avaient quand même reçu quelques miettes symboliques dans la loi sur les indisponibles. En ce qui concerne leurs propres accords, aussi bien Hachette que La Martinière avaient évoqué la possibilité que les fichiers remis par Google soient transférés à la Bibliothèque nationale de France. Qu’en est-il pour cet accord ? Mystère… Sans compter que la BnF n’est pas l’ensemble des bibliothèques françaises et que la question du déficit criant de l’offre de livres numériques prévue pour elles reste entière.

Trois scénarios

Vous l’aurez compris, la part d’ombre principale de cet accord-cadre réside pour moi dans son articulation avec la loi sur les indisponibles. L’explication la plus simple consiste sans doute à se dire que les éditeurs français ont habilement joué sur tous les tableaux à la fois et qu’ils l’ont finalement emporté partout.

Mais essayons de nous porter dans l’avenir et d’envisager trois scénarios d’évolution pour cette loi :

  1. Le scénario idyllique : Les deux dispositifs s’avèrent effectivement complémentaires, comme l’avait prophétisé Antoine Gallimard. Les éditeurs gardent ainsi le choix entre deux voies différentes pour faire renaître leurs livres indisponibles. Certains vont travailler avec Google, d’autres – en nombre suffisant – passent par la gestion collective de la loi sur les indisponibles. Certains encore distinguent plusieurs corpus et les orientent soit vers Google, soit vers le dispositif Indisponibles, sur une base cohérente. Il en résulte au final deux offres distinctes et intéressantes pour les consommateurs. La France gagne l’Euro 2012 de football et on découvre un nouveau carburant inépuisable sur la Lune. Hem…

  2. Le scénario pathétique : Les éditeurs font le choix massivement d’adopter l’accord-cadre et de marcher avec Google. Comme je l’ai expliqué plus haut, cela tarit à la source le réservoir des oeuvres qui peuvent intégrer le dispositif, faute d’être indisponibles. La gestion collective envisagée par la loi demeure une sorte de coquille quasi-vide. Les sommes considérables de l’Emprunt national dévolues à ce projet auront été mobilisées en vain. Le Code de Propriété Intellectuelle reste quant à lui défiguré. La France est éliminée piteusement de l’Euro de foot 2012 et on apprend que la Lune émet des particules cancérigènes sur la Terre. Hem…

  3. Le scénario machiavélique : Contrairement à ce que j’ai dit plus haut, il existe tout de même une façon de connecter le dispositif  de la loi sur les Indisponibles à l’accord Google. Mais cela me paraîtrait tellement tordu que je n’avance l’hypothèse… qu’en tremblant ! Imaginons que Google et les éditeurs s’accordent sur un délai pour que le moteur n’exploite pas les oeuvres. Celles-ci sont donc bien indisponibles au sens la loi et elles peuvent être inscrites dans la base, ce qui déclenche l’opt-out. Peut alors jouer à plein l’effet de “blanchiment des contrats d’édition”, qui garantit aux éditeurs de conserver les droits, même sur les oeuvres pour lesquelles cela aurait pu être douteux (notamment les oeuvres orphelines).  Google réalise alors en France, ce qu’il ne peut plus rêver d’atteindre aux Etats-Unis, en demandant in fine une licence d’exploitation à la société de gestion collective.  Alors que les français étaient en passe de gagner l’Euro 2012, la finale est interrompue par une pluie de criquets. On découvre sur la Lune une forme de vie cachée, hostile et bavante, qui débarque pour tout ravager. Hem…

PS : merci @BlankTextField pour ses tweets #GBSfr sur cet accord, sans lesquels j’aurais eu bien du mal à démêler cet écheveau…


Images par Mike Licht [CC-by]

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Amazon tourne une page d’Apple http://owni.fr/2012/04/12/amazon-tourne-une-page-dapple/ http://owni.fr/2012/04/12/amazon-tourne-une-page-dapple/#comments Thu, 12 Apr 2012 15:12:39 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=105621

Dans l’affaire qui oppose la justice américaine à cinq des plus grands éditeurs du pays et Apple, nouveau rebondissement : le département de la Justice (DoJ) a décidé d’intenter une action en Justice (voir la plainte en bas de l’article), faisant suite à une procédure collective démarrée en août dernier, pour soupçons d’entente illégale entre les grands éditeurs américains et le plus gros concurrent d’Amazon pour la vente en ligne.

Les perdants – temporaires – Hachette, Harper Collins et Mac Millan qui se plient à la procédure du département de la Justice et à la remise en cause de certaines des clauses passées avec Apple. Les irréductibles : Penguin et Simon and Schuster qui refusent d’aller dans le sens de l’administration. Celui qui pourrait s’en réjouir à l’avenir, c’est Amazon qui devrait pouvoir de nouveau proposer ses livres à 9,99 dollars.

Apple à livre ouvert

Apple à livre ouvert

La procédure civile contre les pratiques d'Apple sur le marché du livre numérique prend de l'ampleur. Pour le plus grand ...

Prix fixé

Au début du mois d’août 2011, plusieurs plaintes avaient été déposées et regroupées dans une class action – une procédure civile par action collective de particuliers – auprès de différents tribunaux aux États-Unis, comme nous l’avions évoqué à l’époque. En cause, une suspicion d’entente entre Apple et les plus gros éditeurs du pays, Hachette Books, Harper Collins, Penguin, Mac Millan et Simon and Schuster. Par le biais de contrats d’agence passés entre les éditeurs et la firme de Cuppertino, le prix des livres – numériques – était fixé par les éditeurs à la seule condition qu’il ne soit pas inférieur au prix fixé avec Apple. Augmentant ainsi les tarifs pratiqués par Amazon.

Les plaintes s’étaient ajoutées les unes aux autres, dénonçant, captures d’écran à l’appui et évolution des prix, cette entente illégale. Première conséquence, les accords passés entre les acteurs du marché l’étaient au détriment du consommateur et gonflaient artificiellement le prix des livres vendus par le biais de la plateforme d’Apple. Dans son communiqué de presse daté du 11 avril, le département de la Justice précise :

Le département [NDLR, de la Justice] a conclu un accord avec trois des plus grands éditeurs du pays – et continuera de poursuivre Apple, et deux autres grands éditeurs – pour s’être entendus pour augmenter les prix que payent les consommateurs pour les ebooks. [...] Plus tôt dans la journée, nous avons déposé une plainte à New-York contre Apple et cinq différents éditeurs – Hachette, HarperCollins, MacMillan, Penguin et Simon & Schuster. En réponse à nos allégations, trois de ces éditeurs – Hachette, HarperCollins et Simon & Schuster – ont accepté l’accord proposé. S’il est approuvé par le tribunal, cet accord permettrait de résoudre les préoccupations antitrust de l’administration avec ces entreprises, et les obligerait à permettre à d’autres détaillants, comme Amazon et Barnes & Noble – la liberté de réduire le prix de leurs e-books. Le règlement exige aussi que les entreprises mettent fin à leurs accords anti-concurrentiels avec Apple et les autres vendeurs d’ebook.

Avec cette décision du département de la Justice américaine d’intenter une action contre Apple et cinq éditeurs, à terme, ces derniers pourraient être contraints de reconnaître une entente brisant la concurrence sur le marché de la vente en ligne de livres (parfaitement illicite).

Dans les contrats d’agence, la clause de fixation des prix et celle concernant l’impossibilité de vendre moins chère ailleurs seraient rendues caduques. Hachette publiait hier un communiqué précisant que le groupe ne se reconnaissait aucune activité délictueuse mais était prêt à négocier avec le département de la Justice (DoJ) :

Désormais, nous pensons qu’il est du devoir du DOJ et des Procureurs des États de veiller à ce que plusieurs détaillants opèrent sur le marché des ebooks, qui doivent demeurer concurrentiel, et que nous ne revenions pas à une situation de monopole dans laquelle une seule entreprise décide quels ebooks les consommateurs doivent lire et comment.

Tout bénéf’ pour Amazon

Aux Etats-Unis, le marché du livre numérique n’avance pas à la même vitesse que celui français, à peine naissant. Les États-Unis l’ont bien compris, les enjeux sont grands : l’essor des tablettes Kindle et autres liseuses – iPad inclus – représenteront des parts de marché considérables pour les mastodontes de la vente en ligne, dans les années à venir. Mais les positions sur l’échiquier se jouent à l’heure actuelle aux États-Unis. La bataille entre Amazon et Apple se recentre autour des prix pour le consommateur pour le premier (prix de séduction à moins de dix dollars) et autour des catalogues des maisons d’édition pour Apple.

Dans le cadre de ces pratiques d’entente sur le territoire américain entre éditeurs et Apple, le grand lésé du marché, Amazon et sa tablette Kindle vendue à prix quasi coûtant, a été soupçonné d’être derrière les class actions. Amazon était contraint de s’aligner sur les prix fixés sur l’iBook Store, supérieurs en majorité aux prix pratiqués par le marchand de livres en ligne. Et aurait eu tout intérêt à aiguiller la justice sur la piste des ententes.

Si les éditeurs finissent par se ranger derrière la décision du département de la Justice américain, Amazon pourrait bien récupérer son prix de séduction auprès des consommateurs et de nouveau fixer plus librement ses tarifs pour rétablir une “saine concurrence” souhaitée par les autorités américaines sur le dossier. Auprès de la Commission européenne, la plus grande librairie online avait guidé la procédure des inspecteurs de la commission, comme nous l’avions découvert, même si le demande d’enquête à la Comission n’avait pas été déposée par le géant américain.

plainte contre Apple et les éditeurs US

(Contacté par OWNI, l’avocat d’Apple n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. L’un des porte-paroles de Simon&Schuster précise par ailleurs que la maison “est l’un des trois éditeurs qui en parvenu à une entente avec le département de la Justice”. Et est en “en discussion actives et productives” avec la Commission européenne.)


Illustration Flickr Paternité manitou2121 ]]>
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La milice privée d’Hachette Livre http://owni.fr/2012/01/05/milice-privee-hachette-livre-telechargement/ http://owni.fr/2012/01/05/milice-privee-hachette-livre-telechargement/#comments Thu, 05 Jan 2012 11:35:17 +0000 Fabien Soyez http://owni.fr/?p=91930

En se lançant à corps perdu dans la lutte contre le piratage d’eBooks et de livres sur Internet, Hachette Livre frappe un grand coup. Ou du moins est-ce l’impression que veut donner le deuxième éditeur mondial de livres grand public, en signant un accord avec Attributor. Cette société américaine, spécialisée depuis 2005 dans la “traque de contenus copiés”, est désormais chargée par l’éditeur de surveiller les réseaux pirates. Pierre Danet, directeur innovation et technologie numérique de Hachette Livre, constate :

Depuis qu’existent les scanners, le piratage de livres est une réalité. On ne le découvre pas. Mais le marché du livre électronique se développe, et avec l’apparition des liseuses, comme le Kindle d’Amazon, et le développement des tablettes électroniques comme l’iPad, le phénomène a pris de l’ampleur.

Dans la ligne de mire de Hachette et Attributor, les sites de stockage, comme MegaUpload ou RapidShare. Le téléchargement direct est ainsi, si l’on en croit l’étude du Motif (Observatoire du livre et de l’écrit en Île-de -France) parue en mars, en train de supplanter l’offre en “peer-to-peer” (P2P). Selon la société Sandvine, le trafic de ces deux sites dépasse même celui de Facebook, représentant plus de 2% du trafic mondial sur Internet. Parmi les 20 livres les plus piratés, une bonne dizaine sont estampillés Hachette, comme Bilbo le Hobbit, Da Vinci Code ou Twilight.

Qu’importe si les sites de téléchargement sont hébergés à Hong-Kong, en Suisse ou en Chine, la mission d’Attributor est de les passer au crible, à la recherche de titres piratés. Pour cela, Hachette lui a fourni des métadonnées : titre du livre, nom de l’auteur, ISBN. A partir de ces informations, Attributor effectue un balayage automatisé du web. Une fois ce travail effectué, l’entreprise envoie aux sites détectés une notification de retrait. Le contrevenant a alors le choix entre retirer l’eBook, ou s’exposer à de possibles poursuites. C’est le système du “notice and takedown”.

Ce contrat passé avec la start-up de Redwood City est une première en France, dans la mesure où le Syndicat national de l’édition (SNE), dont Hachette est membre, a décidé de ne pas faire appel à Hadopi. Cependant, pour Antoine Gallimard, président du SNE :

La question du piratage de livres numériques en France ne se pose pas vraiment encore, surveiller les livres électroniques coûte trop cher pour un marché encore petit.

Ce n’est visiblement pas l’avis de Hachette Livre, qui ne semble pas vouloir perdre de temps. Même si l’Hadopi planche sur une riposte graduée adaptée au téléchargement direct, que le SNE pourrait un jour rejoindre, Pierre Danet observe, pragmatique :

L’Hadopi ne couvre pour l’instant que le peer-to-peer. Il sera étendu au téléchargement direct, mais ce n’est pas opérationnel aujourd’hui et on ne sait pas quand cela le sera. On cherchait une entreprise capable de faire du Big Data, de “crawler” le web tout en vérifiant manuellement. Il n’y en avait pas beaucoup, Attributor est l’une des seules sociétés compétentes… On sous-traite du début à la fin, parce que ce n’est pas possible pour un éditeur de couvrir l’immensité du web, à moins de se doter d’un vaste service juridique.

Le rôle d’Attributor est celui d’un tamis. Seul moment où Hachette reprend la main : quand le site refuse d’obtempérer. “Là, on passe en juridique pur.” Elizabeth Sutton, fondatrice d’Idboox.com et conseillère en édition numérique, analyse la stratégie poursuivie par Hachette :

Travailler avec Attributor, ça rassure les auteurs qui hésitent à signer, et ceux qui utilisent la plateforme de vente d’Hachette, Numilog. Et puis, l’offre va bientôt décoller. L’année dernière, Hachette a signé un contrat avec Google Books pour numériser entre 40 et 50 000 livres indisponibles, qui vont arriver sur le marché dans les mois qui viennent.

L’Hydre de Lerne

Anticipation, donc, pour Hachette France, qui suit les traces de son cousin américain, Hachette Book Group. La maison d’édition américaine loue les services d’Attributor depuis bientôt trois ans. Hachette France devient ainsi l’un des 75 éditeurs faisant appel à Attributor, parmi Simon & Schuster, Harper Collins, Scholastic et Wiley‑Blackwell. La nouvelle en laisse beaucoup dubitatifs. Maxime Rouquet, co-président du Parti Pirate (PP) français, pointe du doigt les risques d’erreur liés à un “système automatisé” :

Les internautes qui ne pensent pas à mal, et qui veulent juste stocker un contenu pour le partager avec leurs amis pourront être lésés. On risque de voir des erreurs à répétition, des envois massifs, des sites qui retirent les contenus sans vraiment réfléchir, un peu comme le font Dailymotion et YouTube avec les extraits de films. Et si je rédige une analyse de texte, une parodie ou des extraits d’un livre, que je stocke sur MegaUpload ou que je publie sur mon blog, est-ce que je risque d’avoir des problèmes ?

Dans la Silicon Valley, le président d’Attributor, Matt Robinson, balaie ces inquiétudes d’un revers de main :

Notre système est complétement automatisé, l’information que nous trouvons grâce à notre algorithme est quasiment correcte à chaque fois. Nous croisons ce balayage automatisé avec des vérifications humaines, pour être sûrs qu’il s’agit bien d’une copie illégale d’eBook, et non une simple citation ou un pastiche. Nous ne risquons pas de faire de fausses identifications de piratage, ou pratiquement.

Au Parti Pirate, on reste sceptique : “difficile de croire qu’une personne qui analyse des centaines et des centaines d’eBooks par jour ne risque pas de faire d’erreurs, et qu’Attributor pourra réellement vérifier chaque livre à la main.”

De son côté, Nicolas Gary, directeur de la publication de ActuaLitté, s’interroge :

Qu’en serait-il si un site publiait des informations qui soient justement celles que l’éditeur a demandées de suivre, plusieurs fois par jour ? Attributor enverra-t-il une notification pour signaler la présence de contenu illégal ?

Et de s’inquiéter, entre autre chose, de “ce que fera Attributor des données récoltées”. Avec Trident Media Guard et Hologram Industries, Attributor avait été entendue par le SNE, “quand ce dernier se posait la question d’intégrer l’Hadopi”, en tant que prestataire technique en charge de la surveillance des réseaux P2P.

C’est donc qu’Attributor dispose d’outils suffisants pour obtenir des données privées. Ces questions sont légitimes, quand on voit combien Attributor est flou sur son mode de fonctionnement.

Flou, Attributor l’est aussi sur les coûts de ses produits. A Hachette Livre, Pierre Danet se félicite d’avoir, jusqu’ici un “taux de réussite au dessus des 70%. Pendant 9 mois, nous avons fait un test avec Attributor, sur 500 titres numériques, et nous n’avons pas eu de problème, ou en tout cas de remontée d’erreurs… Dans la majorité des cas, l’approche dissuasive d’Attributor fonctionne : on a eu 100% de succès sur MegaUpload, qui a accepté nos demandes de retrait à chaque fois. Les américains sont plutôt pragmatiques sur ces questions de piratage.”

Chaque jour, si l’on en croit Hachette, plusieurs centaines de notifications de retrait sont envoyées par Attributor à travers le web, “pour des dizaines de milliers de titres, qui composent notre catalogue, le premier en France.”

Mais quand on lui demande combien coûtent les services d’Attributor, motus : Attributor impose à ses partenaires un accord de confidentialité, qui leur interdit de communiquer sur les tarifs. Mais, d’après Nicolas Gary, “ce sont des investissements très lourds, qui comprennent la technologie utilisée et l’expertise.” En 2009, Hachette Group US aurait versé à Attributor, pour la première année, entre 100 et 125 000 dollars.

Pour Elizabeth Sutton, d’Idboox, ce contrat signé par Hachette risque de “coûter cher, et d’avoir des répercussions sur les prix de vente, quand on sait que le groupe confie à Attributor l’intégralité de son catalogue.” Une surveillance des sites de stockage qui coûte cher, et qui ne garantit pas la fin du piratage. Pour Nicolas Gary, “c’est du temps et de l’argent de perdu” :

Le piratage, c’est un peu l’Hydre de Lerne : vous lui tranchez une tête, il y en a dix qui repoussent. La plupart de ces sites sont insaisissables. Hachette a raison de mettre les moyens pour défendre ses droits, mais est-ce vraiment là que les moyens doivent être mis ?

Pierre Danet, à Hachette Livre, reconnaît : “toucher des sites basés en Ukraine, par exemple, ce n’est pas simple. Ce travail peut être infini, mais c’est mieux que de ne rien faire.”

Du côté de chezAttributor, le discours est ultra-policé. Mike Grossman, le directeur général de la société américaine, s’exclame, bon samaritain :

Nous ne sommes ni des chasseurs de pirate, ni des censeurs : nous protégeons les éditeurs et par là même, les auteurs. Copier des livres, c’est illégal. Les écrivains, les créateurs, ont besoin d’être rémunérés pour leur travail, sinon ils vont arrêter d’écrire, et ce sera une perte pour tout le monde. Nous sommes les défenseurs de la propriété intellectuelle. C’est une noble cause.

En 2015, le marché du livre numérique devrait peser, selon une étude IDate, 5,4 milliards d’euros au niveau mondial. Et connaître un taux de croissance moyen de 30% d’ici là. Ces chiffres représentent 12% du marché global du livre. En 2010, le chiffre d’affaires d’Hachette Livre sur support papier et numérique atteignait 2 165 millions d’euros. Un trésor qu’il pourrait défendre à n’importe quel prix.


Illustrations via Wikimedia Commons [CC et Domaine Public] : http://bitly.com/yHm1Oo

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Le livre numérique cherche ses bibliothèques http://owni.fr/2012/01/03/le-pret-numerique-cherche-sa-place-sur-letagere/ http://owni.fr/2012/01/03/le-pret-numerique-cherche-sa-place-sur-letagere/#comments Tue, 03 Jan 2012 16:47:34 +0000 Bibliobsession http://owni.fr/?p=92288

En 2012 il reste une idée reçue gênante : un livre emprunté dans une bibliothèque est soi-disant un livre qui n’est pas acheté. Que l’on ajoute numérique et l’idée reçue est toujours là, empoisonnant les relations entre éditeurs et bibliothécaires.

Dans l’article “Les bibliothèques pourront-elles être le freemium de l’édition?”, je soulignais l’importance de réinsérer les bibliothèques dans la chaîne de valeur de l’édition, de manière explicite, partant de l’idée qu’il faut nous rendre nécessaires dans un monde d’abondance des données et que les emprunteurs de livres dans les bibliothèques sont aussi acheteurs. C’est ce qu’a commencé à faire la New York Public Library avec Librarybin :

“Un bouton “acheter” a été mis en place dans l’application de prêt, pour rediriger vers le site de l’éditeur. Le programme LibraryBin par Overdrive propose aux usagers que chaque achat de fichier permette de soutenir (sous forme de don financier) les bibliothèques partenaires du programme.”

Bien sûr, cela soulève de nombreuses questions sur le rôle des bibliothèques. Parmi ces questions, celle de leur place dans l’économie de marché. Eric Hellman du blog Go to Hellman publie un retour d’expérience de la Douglas County Library sur l’ajout d’un bouton d’achat pointant vers Amazon ET un libraire local faisant de la vente en ligne de livres. Attention on parle ici de livres et non pas de livres numériques. En onze jours, plus de 700 clics ont été enregistrés, dont 389 pour Amazon et 262 pour le libraire local. En extrapolant ces chiffres au pays, plus de 6 000 livres par jour seraient achetés soit plus de 2,1 millions de livres par an ! S’il semble un peu facile d’extrapoler ainsi, ces chiffres sont confirmés par une étude menée aux États-Unis relayée par cet article de INA global :

Une étude publiée en octobre 2011 par le Library Journal met en évidence la valeur que représentent les bibliothèques pour le monde de l’édition. L’étude rassemble des données et des enquêtes collectées auprès des usagers des bibliothèques dans tout le pays. Elle affirme que les bibliothèques peuvent jouer un rôle prépondérant pour doper les ventes de livres, en adoptant une posture de partenaire – et non de menace – vis-à-vis des éditeurs.

“Nos données établissent que 50 % de l’ensemble des usagers des bibliothèques affirment acheter des livres écrits par un auteur qu’ils ont connu par le biais de la bibliothèque, déclare Rebecca Miller, rédactrice en chef du Library Journal. Voilà de quoi briser le mythe selon lequel quand une bibliothèque acquiert un livre, l’éditeur perd de potentielles ventes pour le futur ».

Bien sûr il s’agit des États-Unis, d’un contexte différent. On se demandera volontiers de ce côté-ci de l’Atlantique si c’est le rôle des bibliothèques de rendre ce lien économique explicite en ajoutant des boutons menant vers la vente de livres. Et pour cause, pour le livre imprimé, en France il existe depuis 2003 une loi encadrant le droit de prêt qui socialise le service d’emprunt des bibliothèques en compensant son impact sur le marché. J’avais noté la proximité de ce système avec les propositions de la licence globale. Pour le livre imprimé, pas besoin d’aller plus loin, me semble-t-il, dans un contexte français où bon nombre d’élus et de professionnels sont attachés (pour le meilleur comme pour le pire) à une frontière étanche entre le marchand et le non-marchand.

Soumission aux libres forces du marché

Pour le livre numérique en revanche, la situation est différente. Pourquoi ? Parce que les bibliothèques ne sont pas perçues et reconnues comme nécessaires pour accéder à des livres numériques aujourd’hui alors qu’elles représentaient avant Internet une alternative historiquement soutenue à ce titre par les pouvoirs publics pour le livre imprimé. Faute d’un soutien politique qui reconnaitrait l’intérêt général auquel peuvent répondre les bibliothèques dans l’accès au livre numérique, nous risquons d’être soumis aux libres forces du marché qui décideront de proposer une fenêtre d’accès à des contenus par les bibliothèques si les acteurs économiques y ont intérêt… ou pas.

En réalité, le marché français va certainement se dessiner par ce qui va se passer aux États-Unis dans les prochains mois (année ?). Si le prêt numérique s’impose véritablement et si les éditeurs (les big six) d’abord réticents suivent, alors on peut légitimement penser que ces offres finiront par arriver en Europe. Le succès des liseuses et notamment de celles d’Amazon plaide en ce sens et le précédent d’Apple a montré que les réticences françaises sont bien souvent des manières d’instaurer un rapport de force de nature à influencer la découpe des parts du gâteau de la distribution/diffusion numérique avec des acteurs qui disposent d’un écosystème touchant le client final. Que ferons-nous alors face à des offres très puissantes arrivant dans la poche du lecteur ?

L’exemple américain en repoussoir

Si notre objectif est de diffuser largement et massivement le livre numérique, faudra-t-il ici aussi non seulement se plier au prêt numérique (donc à des DRM chronodégradables à grande échelle) et en plus accepter qu’un tiers comme Amazon se positionne à ses conditions entre les éditeurs et les bibliothèques ? Dans l’état actuel, voici ce que des milliers de bibliothèques américaines ont accepté, et le diable est dans les détails. Récit de l’emprunt d’un livre numérique chez Amazon, c’est édifiant. Extrait traduit par Marlène:

Ma première expérience d’emprunt d’un ebook pour Kindle à la bibliothèque m’a laissé comme un mauvais goût dans la bouche. Ca ne donnait pas l’impression d’emprunter un livre à la bibliothèque. J’ai plutôt eu l’impression qu’un commercial m’avait proposé un ebook avec une “offre d’essai gratuite et sans engagement” et me harcelait pour l’acheter à la fin de la période d’essai.

Quand l’ebook est rendu, il ne s’évapore pas purement et simplement. Le titre, la couverture, etc, restent visibles sur mon Kindle, exactement comme si l’ebook était toujours disponible, sauf que derrière la couverture il n’y a rien d’autre qu’une notice qui signale que l’ebook a été rendu à la bibliothèque – et un juste bouton, qui ne nous propose pas de renouveler [le prêt]. La seule possibilité est d’acheter l’ebook chez Amazon. [...]

Autant je milite contre le contrôle des fichiers à l’unité et ces satanés DRM, provoquant ce genre de détestable expérience, autant je crois qu’un contrôle d’accès par l’abonnement avec des usages illimités dans une base globale est un modèle acceptable. Modèle que l’on pratique depuis des années dans les bibliothèques, sur lequel on peut construire, comme je l’avais esquissé dans cet article. Pour la musique, c’est d’ailleurs le modèle le plus intéressant en l’absence d’une licence légale publique. Avec le prêt numérique sauce Amazon on part de très loin : contrôle par fichier, monstrueuse notion d’exemplaire numérique, opacité de la gestion des données personnelles, dépendance…

L’appétit d’Amazon et les craintes de cannibalisation des éditeurs nous orientent pourtant vers ces solutions de “prêt numérique” qui font craindre que la conception parfaitement libérale de l’action publique s’exporte très vite des États-Unis où les bibliothécaires sont littéralement pris en étau :

L’American Library Association (ALA), association américaine représentant les bibliothèques, a condamné la décision de Penguin : selon elle, l’opposition entre les éditeurs et Amazon “rend les bibliothèques esclaves d’un conflit portant sur des modèles économiques” et ce sont les usagers des bibliothèques qui en pâtissent.

Une offre propre aux bibliothèques mais peu visible

La vraie question est : quelle marge de négociation entre des bibliothèques publiques et des géants comme Amazon ou Overdrive alors même qu’on peine en France à négocier avec des éditeurs et des fournisseurs de contenus numériques ?

Faut-il  donc plutôt promouvoir des offres propres aux bibliothèques comme c’est déjà le cas, au risque d’avoir une visibilité très faible dans un marché qui sera dominé par des écosystèmes propriétaires couplant catalogues de contenus et objets nomades ? J’insiste sur ce point. On peut légitimement penser que dans quelques années, ne pas être dans l’App Store ou dans le catalogue d’Amazon ou celui de Google sera équivalent à une disparition de la surface lisible du web pour les éditeurs comme pour les bibliothécaires et le service de prêt ou de médiation qu’ils prétendent fournir.

Quelles alternatives alors ? Vous remarquerez que j’exclus de fait les libraires qui n’ont ni la volonté ni les moyens de développer des offres adaptées aux besoins d’usages collectifs dans les bibliothèques. Des initiatives existent ça et là, en Espagne, aux Etats-Unis, au Québec en France aussi ! Peut-être même que l’évolution des liseuses vers des tablettes plus ouvertes que les écosystèmes verrouillés qu’on propose aujourd’hui”hui permettront à des offres/catalogues innovants de coexister dans des écosystèmes liés aux objets nomades, après tout Apple n’a pas censuré la présence d’un Spotify dans l’App Store… C’est une voie à ne pas négliger me semble-t-il.

Les éditeurs français endormis

Peut-être les éditeurs français vont-ils finir par se réveiller et prendre véritablement en main une diffusion numérique de leurs catalogues à des prix bas dans des conditions respectueuses des droits des lecteurs en faisant évoluer leurs modèles économiques. Ils seraient bien inspirés de positionner de telles offres à grande échelle vers le grand public via des bibliothèques dans des conditions meilleures qu’aujourd’hui (Numilog, t’es moche aujourd’hui, mais tu peux évoluer !) plutôt que de se livrer, tels la presse il n’y a pas si longtemps aux griffes de l’aval de la chaîne… Au final nous avons tous à perdre d’une domination trop forte d’Amazon, mais j’ai bien peur qu’il ne soit déjà trop tard.

Il faut bien en avoir conscience, pour le livre numérique, l’alternative est au prix d’une marginalisation forcée, dans un marché qui se concentre sans acteurs publics, dans un contexte où les bibliothèques ne sont pas forcément nécessaires.

Difficile période de transition dans laquelle une stabilité existe : celle du besoin d’une médiation active, au risque de la découpler cette médiation du document primaire. L’avenir sera-t-il au local, à la recommandation, à l’expérience communautaire en ligne et in situ ? Je le crois.


Billet initialement publié sur Bibliobsession sous le titre “Livre numérique : 2012 une année charnière ?”

Photos et illustrations via Flickr : Pedrik [ccbyncsa] ; titom.ch [ccbyncsa] ; ownipics [ccbyncsa] ; Mike Licht [ccby]

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Amazon balance Apple http://owni.fr/2011/12/08/amazon-derriere-la-plainte-dapple/ http://owni.fr/2011/12/08/amazon-derriere-la-plainte-dapple/#comments Thu, 08 Dec 2011 16:09:42 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=89822 Selon des sources internes à la Commission européenne, Amazon a fortement encouragé l’enquête pour soupçon d’entente illégale ouverte avant-hier contre Apple et cinq grands éditeurs. Les instances européennes suspectent Apple et les éditeurs de s’être concertés pour maintenir un prix artificiellement gonflé du livre numérique. Au terme de leurs tractations, les éditeurs espèrent ainsi protéger la distribution du livre papier vendu à un prix voisin du numérique. En contrepartie ils s’engagent à ne pas vendre leurs livres moins chers que sur l’iBook Store.

Soupçons

Une source proche du dossier nous a confié que des représentants d’Amazon avaient attiré l’attention des commissaires européens sur l’étrange façon de se comporter des éditeurs, dont les prix s’alignent sur ceux pratiqués outre-atlantique. La procédure engagée à l’initiative de la Commission européenne vise à déterminer s’il y a bien eu entente entre le groupe Apple et Hachette (groupe Lagardère, France), Harper Collins (États-Unis), Simon and Schuster (États-Unis), Penguin (Royaume-Uni) et Verlagsgruppe Georg von Holzbrinck (Allemagne). Aux États-Unis, une procédure collective (class action) a permis des dépôts de plaintes, les unes après les autres, pour des faits comparables.

Aux yeux de la Direction générale de la concurrence, le premier soupçon vient de la frilosité des éditeurs français à l’égard des marchés du livre numérique. S’accorder avec Apple revient pour eux à protéger leur système de distribution et leurs catalogues de leurs éditions papiers. Les fonctionnaires européens ont également été alertés par le lobby des éditeurs pour “obtenir une protection légale contre l’évolution technique et la ‘désintermédiation’ par la fixation de prix de vente obligatoires pour le livre numérique, aligné sans aucune justification sous-jacente sur les prix de vente des versions papier” selon un familier du dossier.

La direction générale de la concurrence va ainsi éplucher les clauses des contrats d’agence que les éditeurs ont signé au moment de l’ouverture de l’iBook Store d’Apple en février 2010. La réglementation européenne sur le sujet n’est pas la même qu’aux Etats-Unis. Certaines clauses laissant la liberté aux éditeurs de fixer les prix de leurs eBooks ne sont pas compatibles avec le droit européen sur la concurrence. Cette clause est une des premières opérations séduction d’Apple en direction des éditeurs. Et avec l’interdiction de vendre leurs livres moins chers ailleurs, lors de l’arrivée d’Amazon sur le marché du livre numérique en Europe, les éditeurs ont pu lui imposer que leurs livres soient au même tarif que ceux présents sur l’iBook Store d’Apple.

Deux modèles

Pour Apple, le plus important consiste à vendre son propre terminal de lecture, l’iPad. Peu importe ce que pourrait contenir le catalogue, il lui faut simplement draguer tous les éditeurs et distributeurs. La présence sur l’iBook Store est indispensable.

Inversement, Amazon vend sa tablette Kindle à prix quasi-coûtant et compte bien réaliser ses bénéfices sur ses livres en Europe. Sauf si Apple s’est accordé avec les éditeurs, qu’ils soient français, américains ou anglais pour fixer un prix qui freinerait le développement du livre numérique. Quelques temps après le lancement du Kindle en France et l’ouverture de la librairie numérique d’Amazon, si le libraire, dont les parts de marché tiennent de l’hégémonie, ne peut pas attirer ses clients en puissance avec des prix défiants toute concurrence, impossible pour lui de laisser faire Apple.

En fixant ses conditions avec les éditeurs, Apple pratique sa stratégie habituelle pour empêcher ses concurrents d’exister, et récupérer leurs parts de marché. Amazon en concurrent direct n’y échappe pas : les éditeurs sont plus séduits par une conservation de leurs marges – et donc un prix d’eBook élevé – promises par Apple que par la baisse du prix de leurs livres et la multiplication des ventes au format numérique. Au détriment des lecteurs et de l’émergence et la diffusion des liseuses et des tablettes qui tendent à se démocratiser.


Illustrations par arnoKath [cc-byncsa] et Geoffrey Dorne [cc-byncsa]

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Amazon imprime ses droits http://owni.fr/2011/10/03/amazon-imprime-ses-droits/ http://owni.fr/2011/10/03/amazon-imprime-ses-droits/#comments Mon, 03 Oct 2011 14:19:18 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=81872 Amazon est un libraire verni. Au terme des accords avec les grandes maisons parisiennes, le site prendra 30% du prix des livres électroniques vendus sur sa plateforme française. Mais surtout, il deviendra propriétaire du fichier source de chaque roman ou essai, contrôlant ainsi, de manière exclusive, la distribution des livres dont il aura reçu les droits. “Quand on voit la force de frappe d’Amazon, on sait que les éditeurs ont tout à y gagner” tente de se persuader une éditrice. Le ton est donné.

Stratégie rodée et anticipation du marché

Amazon et les maisons d’édition françaises souhaitent surtout conquérir un secteur en pleine expansion. Pour Amazon, il s’agit d’imposer une unique solution de lecture numérique : la leur, c’est-à-dire la liseuse Kindle. Pour Hervé Bienvault, consultant indépendant sur les stratégies de structuration de contenus et de distribution numérique :

Le but pour Amazon, c’est de reproduire ce qu’ils ont fait aux États-Unis : Amazon c’est 60% de la vente de livres numériques là-bas. Ici, leur stratégie d’expansion est identique et c’est le même principe qu’Apple. Soit proposer un appareil de lecture et un fichier ne pouvant se lire qu’avec une application spécifique, l’idéal pour un modèle vertical. Amazon va à la fois contrôler ce que vous lisez et à la fois contrôler ce que les éditeurs vendent. La situation est monopolistique et leur logique fermée.

Conséquence, un livre acheté ailleurs que sur la plateforme d’Amazon ne pourra pas être lu sur un Kindle. La manœuvre permet de s’assurer la présence du maximum de titres sur son catalogue en ligne, au moment de la sortie en France du nouveau Kindle. Selon le sénateur socialiste David Assouline, le marché du livre numérique aux États-Unis représente 10% des ventes contre 1% en France. Mais en 2010, les ventes ont augmenté sur le continent américain de 202 %, faisant naître en France un grand intérêt.

Contrôle des catalogues

Théoriquement, Amazon sera seulement limité par la législation sur le prix unique. Mais les décrets d’application sont toujours en attente. Pour Anne Chamaillard, directrice commerciale chez Place des Éditeurs, détenteurs notamment de Belfond, Lonely Planète et le Pré aux Clercs :

Des acteurs extérieurs à l’édition peuvent s’immiscer dans notre pricing et faire le forcing pour imposer des politiques de prix aux éditeurs.

Pour l’heure, plusieurs librairies en ligne sont en concurrence. Tel Numilog (50 000 titres) appartenant à Hachette, ou EdenLivre créée par Gallimard, Flammarion et La Martinière (5 000 titres). La Fnac est également de la partie et serait sur le point, selon le site Frenchweb de lancer une nouvelle liseuse. On imagine difficilement l’enseigne détenue par Alexandre Bompard ne pas réagir à l’arrivée du géant américain. Mais Amazon, en plus de pouvoir offrir à l’acheteur un catalogue plus fourni en ouvrages numériques, possède une visibilité que les autres n’ont pas. Son arrivée – bruyante – modifiera durablement les paysages de l’édition.

Retrouvez tous les articles de notre dossier sur OWNI. Image de Une: Marion Boucharlat.
- Les éditeurs se couchent en ligne
- Livre numérique: quand les auteurs s’en mêlent

Illustrations et photos via Flickr par ArnoKath [cc-by-nc-sa]

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